Face aux difficultés engendrées par la crise du Covid-19, le Gouvernement a appelé les bailleurs à faire preuve de solidarité avec leurs locataires en consentant des abandons de loyers.
A ce stade, dispositif est purement incitatif : rien n’est prévu pour obliger les bailleurs à consentir de tels abandons.
Sur un plan juridique, il paraît d’ailleurs impossible d’imaginer un système contraignant : le bail est un contrat de droit privé, auquel l’Etat n’est pas partie.
Ces abandons ne pourront donc qu’être le fruit de négociations avec les propriétaires, acceptant lorsqu’ils le peuvent de consentir un gèle temporaire de loyer et charges pour leurs locataires les plus impactés par la crise.
Sur un plan fiscal, ces annulations de loyers posent deux questions principales :
- côté bailleur, il s’agit de savoir si ces abandons vont constituer des charges déductibles ;
- côté locataire, il convient de savoir s’il s’agit de produits imposables selon les modalités ordinaires.
C’est notamment pour répondre à ces problématiques qu’a été adoptée le 23 avril 2020 la seconde loi de finances rectificative pour 2020, afin d’instituer des mesures dérogatoires au droit commun, incitant les bailleurs à consentir des annulations de loyers.
Présentation du dispositif pour les bailleurs
Pour les bailleurs constitués sous forme de sociétés commerciales : les entreprises qui acceptent d’abandonner des créances de loyers pourront déduire ces abandons de créances de leur bénéfice imposable, sans qu’il soit nécessaire de justifier du caractère normal d’un tel abandon. Sur un plan fiscal, il s’agira d’une charge dont la déduction est organisée par la loi, à l’instar des dispositifs existants pour les abandons de créances au bénéfice d’entreprises en difficulté.
Ainsi, si une société propriétaire d’un local accepte de procéder à un abandon de loyers dus par son locataire, cet abandon de créance sera déductible de son résultat imposable sans avoir à justifier du caractère normal d’une telle opération.
Pour les particuliers, les renonciations à percevoir des loyers futurs et les annulations de loyers ne seront pas considérées comme des revenus fonciers imposables au stade de leur déclaration.
Champ d’application du dispositif
S’agissant des baux visés : sont seuls concernés les loyers relatifs à des baux au profit d’entreprises, baux professionnels et commerciaux. Le dispositif ne concerne donc pas les baux d’habitation.
Tous les bailleurs peuvent en revanche en bénéficier : les particuliers qui perçoivent des revenus fonciers, les sociétés commerciales et les bailleurs qui sous-louent des locaux.
Si l’entreprise locataire est exploitée par un ascendant, un descendant ou un membre du foyer fiscal du bailleur, le bailleur doit pouvoir justifier des difficultés de trésorerie de l’entreprise.
Si le bailleur est une entreprise commerciale, il ne doit pas exister de lien de dépendance avec l’entreprise locataire (excluant ainsi toutes les situations de location intragroupe).
Le régime est donc clairement incitatif pour les bailleurs, leur offrant la garantie que les abandons de loyers qu’ils consentiront à leurs locataires seront déduits de leur résultat, sans contestation possible. Ils ne seront pas compris dans le bénéfice imposable, ni qualifiés comme des libéralités.
Présentation du dispositif du point de vue des locataires
Pour les locataires, l’abandon de créance constituera un produit imposable venant compenser la charge de loyer correspondante.
On sait toutefois que l’article 209 du CGI prévoit qu’en cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l’exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice dans la limite d’un montant d’un million d’euros majoré de 50% du montant correspondant au bénéfice imposable dudit exercice excédant ce premier montant.
C’est pourquoi, afin de ne pas pénaliser les entreprises locataires, la seconde loi de finances rectificative pour 2020 prévoit que l’abandon de créance viendra majorer le plafond d’un million d’euros d’imputation des déficits antérieurs.
Attention : dans tous les cas, le dispositif est temporaire et ne concerne que les abandons de créances et les renonciations à des loyers consentis entre le 15 avril 2020 et le 31 décembre 2020.
Baptiste Robelin – Avocat – Droit des affaires